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logement

Relogement du locataire âgé

L’obligation validée par le Conseil constitutionnel

Si votre locataire est âgé de plus de 65 ans et a des ressources modestes, vous ne pouvez pas lui donner congé sans lui proposer un relogement adapté et à proximité. Le Conseil constitutionnel vient de décider que cette règle est conforme à la Constitution.

 

Le bail de votre bien locatif arrive bientôt à son terme et vous ne souhaitez pas le reconduire ? La loi vous autorise à le résilier pour vendre le logement, le récupérer pour y habiter (ou y loger un membre de votre famille) ou si vous pouvez invoquer un motif légitime et sérieux (tels que des impayés de loyers). Seule formalité à prévoir : adresser la lettre de congé par courrier recommandé ou signifiée par un commissaire de justice (anciennement huissier de justice) à votre locataire au moins 6 mois avant la date d’échéance.

Attention, si votre locataire a 65 ans et que ses revenus sont modestes, vous devez en outre lui trouver un logement, correspondant à ses besoins et ses possibilités, situé dans une certaine limite géographique. Et, dans un marché immobilier très tendu, il ne s’agit pas là d’une simple formalité d’autant que la protection concerne aussi bien les locations vides que meublées et qu’il ne suffit pas au bailleur de transmettre à son locataire des offres figurant sur le marché locatif. Il doit s’assurer de l’accord des propriétaires pour louer à ce locataire.

Pas d’atteinte au droit de propriété

Pour autant, cette règle, prévue au paragraphe III de l’article 15 de la loi de 1989, est bien conforme à la Constitution et ne porte pas d’atteinte exagérée au droit de propriété. C’est ce que vient de préciser le Conseil constitutionnel, qui a été saisi de cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par la Cour de cassation (Décision n° 2023-1050 QPC du 26 mai 2023). Dans cette affaire, les requérants (un couple de bailleurs) reprochaient à la loi de 1989 de les priver du droit de reprendre leur logement, et donc de porter une atteinte inconstitutionnelle à leur droit de propriété.

Un relogement difficile à mettre en œuvre

Ils expliquaient qu’en raison d’un marché tendu, ils se retrouvaient dans l’impossibilité de proposer à leur locataire un logement dont les critères répondent aux exigences légales. Il faut dire qu’elles ne sont pas simples. Le logement proposé doit correspondre aux besoins et aux possibilités du locataire (qui a, par hypothèse, des moyens limités) et être situé dans un périmètre géographique bien précis.

Il faut aller lire l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 pour en connaître les contours exacts : le logement doit être situé dans la même commune (ou dans une commune limitrophe sans pouvoir être éloigné de plus de 5 km) ou bien, le cas échéant, dans le même canton ou arrondissement quand la commune est ainsi divisée (ou dans les cantons ou arrondissements limitrophes). Dans certains endroits du territoire national, ce serait donc mission impossible. D’autant que l’obligation de relogement s’étend, depuis 2015, aux locataires qui ont à leur charge une personne de plus de 65 ans vivant sous leur toit.

La protection des locataires prime

Mais pour le Conseil constitutionnel, si les dispositions contestées limitent et portent donc bien atteinte au droit de propriété, celle-ci n’est pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi, à savoir permettre à toute personne de disposer d’un logement décent, a fortiori si elle est âgée et dispose de faibles revenus. Rappelons que les ressources annuelles du locataire doivent être inférieures au plafond de ressources pour l’attribution des logements locatifs conventionnés (HLM), à savoir 25 165 € pour une personne seule en Île-de-France ou dans une ville limitrophe et 21 878 € dans les autres régions.

Le texte de loi est très précis : l’âge du locataire, ou celui de la personne à sa charge, est apprécié à la date d’échéance du contrat de bail. Mais le montant de leurs ressources est retenu à la date de la notification du congé. En présence de plusieurs titulaires du bail (conjoints, partenaires de pacs…), il suffit que l’un d’entre eux remplisse les conditions légales pour que le bailleur soit contraint de leur soumettre une offre de relogement.

Des exceptions à la règle

Le Conseil constitutionnel rappelle également que cette obligation de relogement n’est pas applicable lorsque le bailleur est lui-même une personne âgée de plus de 65 ans ou lorsque ses ressources annuelles sont inférieures au même plafond que celui fixé pour les locataires. Notez que le bailleur ne doit remplir que l’une ou l’autre des conditions exigées par la loi, tandis que le locataire doit remplir les deux (être âgé et avoir des revenus modestes). Lorsqu’il y a plusieurs bailleurs, comme dans l’affaire ayant donné lieu à cette QPC, il suffit que l’un d’eux remplisse l’une des conditions, par exemple, l’âge requis à l’échéance du bail (cass. civ. 3e du 29 avril 2009, n° 08-11513). En revanche, en présence d’une SCI, même familiale et même si l’un des associés a plus de 65 ans, il ne peut y avoir de dispense d’offre de relogement.

Enfin, le Conseil constitutionnel souligne que le bailleur, qui conserve évidemment la possibilité de vendre son bien ou d’en percevoir un loyer, dispose, en outre, en cas de manquement du locataire à ses obligations (par exemple en cas de défaut de paiement des loyers), de la faculté de l’assigner en résiliation du bail et en expulsion.

La protection du locataire âgé est ainsi bel et bien confirmée. C’est pourquoi si louer à une personne à la retraite présente plusieurs avantages (ressources stables, davantage sédentaires synonyme de location plus longue, etc.) cela peut aussi représenter un sérieux inconvénient en cas de résiliation de bail. Le choix du locataire doit être réalisé en connaissance de cause.

Gare à la sanction

Attention, si, en tant que bailleur, vous ne respectez pas l’obligation de relogement de votre locataire protégé, le congé délivré n’est pas valable, avec comme conséquence immédiate que le bail se trouve renouvelé. Toutefois, les juges n’exigent pas que les offres de relogement soient présentées au locataire en même temps que le congé. Il est possible qu’elles soient adressées ultérieurement, pendant la période de préavis et ce, jusqu’au dernier jour (cass. civ. 3e du 28 janvier 2016, n° 14-26418).

Rosine Maiolo