L’association Générations futures révèle qu’un grand nombre de molécules issues de la transformation des pesticides dans les écosystèmes est totalement ignoré des autorités sanitaires.
Les eaux souterraines, principale ressource naturelle en eau potable de France, risqueraient elles d’être plus menacées par la pollution que l’on peut croire ? Selon cette étude, des dizaines de métabolites de pesticides, molécules issues de leur dégradation sont potentiellement toxiques, ne font l’objet d’aucune surveillance de la part des autorités sanitaires.
Un effet cocktail : cumul de molécules
L’ONG affirme avoir identifié 56 métabolites de pesticides n’ayant fait l’objet d’aucun suivi alors qu’ils risquent de contaminer les eaux souterraines à des concentrations supérieures à 0,1µg/litre, soit la limite réglementaire. Ces métabolites n’ont fait l’objet d’aucun suivi en 2022 et 2023. Il convient de signaler que parmi ces 56 non suivis, l’association estime que certaines sont préoccupantes mais attire l’attention sur 3 principalement.
Le THPAM : métabolite du captane (fongicide reprotoxique et cancérigène chez la souris ce qui est le signe d’une forte probabilité pour les humains) se retrouve dans l’air et dans les urines des enfants dans les territoires étudiés par l’INRAE pour des cancers pédiatriques. Le Monde a révélé récemment la présence de ce métabolite dans les urines des enfants de la plaine céréalière d’Aunis, près de La Rochelle. Ceci montre que l’exposition humaine est avérée.
Le TFA : résulte de la dégradation dans l’environnement de l’herbicide flufenacet. En France, les ventes sont passes de 100 tonnes en 2008 à 911 tonnes en 2022.Avec 11 ans de retard, l’EFSA vient de le classer le 27 septembre 2024 comme perturbateur endocrinien. Il fait partie de la famille des polluants éternels que l’on retrouve dans les gaz réfrigérants, les revêtements antiadhésifs de poêles, des mousses anti – incendies, rejets d’usine…) du fait de sa composition chimique (présence de fluor) le rendant très stable.
Dans les eaux souterraines, ce métabolite, présent dan s94% des échantillons d’eau potable en France et en Europe, se retrouve au delà de la norme réglementaire de 0,1µg/l.
Le DIPA : métabolite de l’herbicide triallate retiré du marché le 29 septembre 2023 (délai de 18 mois pour écouler les stocks) en raison de son risque de contamination pour les nappes phréatiques est suspecté d’être cancérigène.
Les conséquences d’une exposition chronique aux métabolites de pesticides présents dans l’eau potable sont largement inconnues. Les molécules se cumulent dans l’eau et peuvent avoir un « effet cocktail ».
Des améliorations proposées : agir sur 3 volets
Pour améliorer cette situation, l’association envisage 3 voies :
Une meilleure connaissance : l’association préconise d’inclure dans la surveillance les 12 métabolites les plus à risques et identifiés par leur étude.
Une révision de l’instruction de la DGS (Direction Générale de la Santé)en favorisant la transmission d’information avec les ARS et exiger des fabricants de pesticides la fourniture des étalons aux laboratoires d’analyse.
Une interdiction des pesticides : dans les aires de captage d’eau potable d’ici à 2030et la révision
de processus d’autorisation des produits. Tout ceci nécessite d’aider financièrement les agriculteurs concerner par ces situations.
Par ailleurs, l’association demande que la dépollution de l’eau soit financée par les titulaires des autorisations de mise sur le marché et de permis de commerce.
Pour rappel, en 2018, un rapport du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) alertait sur le défaut de surveillance sur ces molécules issues de la dégradation des pesticides dans l’environnement. Le fait, six ans plus tard, d’en être toujours au même point interroge.
En guise de conclusion, on reprendra le commentaire de Pauline CERVAN, toxicologue et chargée de mission à Génération future : « Il est choquant de constater que les risques de contamination des nappes phréatiques par les métabolites étaient connus avant la commercialisation des produits pesticides. Pourtant, l’usage de ces pesticides est tout de même accordé, en toute connaissance de cause, et aucune surveillance n’est mise en place, ce qui est tout bonnement scandaleux ! »