UFC - QUE CHOISIR VENDEE

Environnement

Méga-bassines : état des lieux

Alors que l’eau va faire l’objet de deux campagnes nationales Que Choisir en 2023, c’est l’occasion d’évoquer le sujet des bassines, objet de débat dans la région, et de rappeler la position de l’UFC Que Choisir.

L’eau ne coule plus de source. La sécheresse de l’été se poursuit par une sécheresse hivernale hors norme. Le président Emmanuel Macron, au Salon de l’agriculture, vient de réaffirmer la prise en compte du problème de l’eau en appelant tous les acteurs concernés à la sobriété et fait marquant l’évolution du débat il a déclaré « La nation France doit continuer d’investir dans des rétentions collinaires*». Ce n’est plus le soutien inconditionnel aux bassines.

*Les méga-bassines sont des réservoirs d’eau artificiels, plastifiés et imperméables, pouvant s’étendre sur plusieurs hectares. Contrairement aux réserves « collinaires », alimentées par le ruissellement des eaux de pluie, l’eau de ces bassins est directement puisée dans les nappes phréatiques ou les cours d’eau, lors de la période hivernale.

Créées par et pour des groupements d’agriculteurs intensifs, soutenues et largement financées par les pouvoir publics, ces réserves de substitution doivent permettre d’irriguer des cultures, sans utiliser rivières et nappes phréatiques. En théorie.

Mais quid de ce modèle s’il ne pleut pas l’hiver ? Si les nappes ne se rechargent pas suffisamment ? Peut-on, encore dans les conditions de sécheresse actuelle, qui vont sans doute devenir la norme, envisager les retenues de substitution comme une solution ? Et à qui profite ces onéreuses réalisations ? Et quelle place pour les autres usagers de l’eau ?

Actuellement on compte 25 bassines en Vendée construites entre 2007 et 2017.

Seize méga-bassines sont en projet dans les deux Sèvres, dont Sainte-Soline en cours de réalisation et théâtre d’une importante manifestation en octobre. En Charente, un projet initial de 41 retenues d’eau, a été ramené à 30 par le préfet en novembre 2022. (Et même si les 11 premières bassines ne seront pas réalisées sans la validation de l’étude Hydrologie Milieux Usages Climat, menée par la commission locale de l’eau et l’établissement public territorial du bassin de la Vienne. (Il s’agit notamment d’évaluer les seuils de prélèvement d’eau en hiver. (Prochain rapport HMUC prévu en mars 2023.)

L’eau des bassines sert essentiellement à arroser les cultures intensives de maïs. Il existe chez la quasi totalités des opposants un consensus mettant en cause cette culture, trop gourmande en eau. Pour autant, lors des Controverses de l’agriculture et de l’alimentation, organisées par le groupe Réussir Agra le 16 février autour de la question de l’accès à l’eau, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a déclaré qu’il ne souhaitait pas que le maïs devienne une « victime expiatoire. On ne peut se dire qu’il n’y a qu’à arrêter de produire du maïs pour supprimer le problème. C’est n’est pas si facile ». Afin de garantir l’accès à l’eau, il estime que l’on doit « se poser [la question] territoire par territoire, en recourant à des données scientifiques. Personne ne découvre que l’accès à l’eau est un sujet essentiel, mais la nouveauté est que nous faisons face à la puissance et à l’accélération du dérèglement climatique ». Ces changements climatiques vont entraîner un stress hydrique dans des territoires pour qui la question était « étrangère à leurs périmètres », tels que la Bretagne, les Pays de la Loire, les Hauts de France. (Agrafil 17/02/23)

Cependant, les certitudes d’hier font place à des inquiétudes, au vu des évolutions climatiques en cours. Par exemple, en Charente Maritime, la Fédération des pêcheurs dénonce une forme de privatisation de l’eau. La députée et ancienne ministre Delphine Batho, après avoir soutenu le projet des Deux-Sèvres, demande aujourd’hui que les bassines de la Coop de l’eau 79 soient abandonnées au profit d’un projet réellement pensé à l’aune de l’urgence climatique.

La position de l’UFC Que Choisir : privilégier une vraie concertation

Les 17 et 18 janvier dernier, le département des Deux-Sèvres a accueilli une délégation de représentants du Comité de bassin Loire-Bretagne. Après une visite sur le terrain avec la Coop de l’Eau (groupement d’agriculteurs pour un projet de bassines) et des entretiens avec des acteurs du monde agricole et des élus des zones concernées par les réserves de substitution, la délégation a souhaité entendre des représentants de la société civile dont Deux-Sèvres Nature Environnement, la Fédération de pêche, BNM (collectif Bassines Non Merci)et l’UFC Que Choisir.

Lors de son audition, la délégation Que Choisir des Deux Sèvres a rappelé « son opposition résolue à l’accaparement de fonds publics au bénéfice de quelques -uns ». Dans les Deux-Sèvres, le groupement d’agriculteurs la Coop de l’Eau 79 porte un projet privé de 60 millions d’euros, financé à 70% (limite maximum) par des fonds publics au bénéfice de seulement 5% des exploitants agricoles du département. Les bénéficiaires de ce projet sont dans leur grande majorité des céréaliers qui exportent l’essentiel de leur production vers les différents pays du Maghreb et l’Egypte, via le port de La Palice.

Que Choisir a rappelé également son « refus de voir les consommateurs être considérés comme des vaches à lait. En effet, le financement de ces bassines s’effectue par l’intermédiaire des Agences de l’Eau (essentiellement celle de Loire Bretagne pour ce qui nous concerne) qui sont elles-mêmes abondées par les taxes prélevées sur les consommateurs à travers leurs factures d’eau. *»

*Sur 100 € de redevance perçue par cette l’Agence de l’Eau en 2021, 64,04 € de redevances de pollution domestique ont été payés par les consommateurs et 2,60 € de redevance de prélèvement payés par les irrigants, plus éventuellement 0,67 € de redevance de pollution s’ils sont également éleveurs. (source A.E. Loire Bretagne)

L’UFC Deux Sèvres a renouvelé « son appel en faveur d’une véritable concertation associant l’ensemble des acteurs directement impactés et non pas la poursuite d’un simulacre de démocratie. L’Etat, par l’intermédiaire de la préfète, ne peut se retrancher derrière le protocole de décembre 2018 qu’ont dénoncé depuis, un certain nombre de signataires et qui n’est plus soutenu que par une minorité d’acteurs, du fait du non- respect d’un certain nombre des engagements pris à l’origine.

Enfin Que Choisir Deux Sèvres souligne son inquiétude quant au développement de conflits d’usage de l’eau et des conséquences qui pourraient en découler.

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